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Bonjour Nuage, qui censure la littérature ?

N°34. Sensitivity readers, mauvaise-foi des médias et LOTR


Le 19 Juin 2023

 

☁️ Bonjour Nuage,

TF1 a fait un sujet sur les “sensitivity reader” durant un de ses JT en Avril.

Tu sais, ce sont ces personnes qui se proposent de relire des manuscrits avant publication et de conseiller l’auteurice sur l’inclusivité et la diversité de leur texte.

Et cela a déchaîné les passions sur Twitter et Instagram.

J’étais tombé.e sur un extrait-vidéo du journal. Quelqu’un que je suis l’avait partagé en story en s’alarmant sur la censure artistique.

Le passage était coupé et durait à peine 30 secondes, mais déjà, j’ai ressenti un malaise dans la façon dont la chaîne avait traité le sujet. C’était clairement orienté, condescendant et alarmiste. Alors j’ai tenté de trouver la version complète pour me faire un avis éclairé.

Je ne l’ai pas trouvée mais ai obtenu un extrait plus long sur Twitter.Il est juste ici si tu veux.

Et il a confirmé ma première impression.

Cela commence par parler des nouvelles éditions de Roald Dahl au Royaume-Uni qui sont modifiées pour enlever toute notion discriminante, notamment grossophobe ou classiste. Dans Charlie et la Chocolaterie par exemple, Charlie est souvent décrit comme “maigrichon” et “malnouri” car pauvre. Et Augustus Gloop est diabolisé car gâté et “gros”. Tout cela disparaît.

Et iels parlent d’appauvrissement de la langue.

Je pense être d’accord sur cela en un sens.

Mais, ce qui m’importe le plus et ce que je pense être la problématique centrale est : l’effacement de l’histoire.

Je m’explique : il y a pour moi deux catégories d’oeuvres.

Les oeuvres plus anciennes, dont l’auteurice est décédé.e et les oeuvres qui s’apprêtent à être publiées.

Pour ces dernières, c’est simple : on va opter pour des récits et écritures plus inclusives, avec de la représentation, et progressistes. Par exemple, on ne va pas réutiliser des stéréotypes racistes et sexistes. C’est nul. C’est tout. Je n’en vois pas l’intérêt. Sauf si le but est de choquer dans un but militant. Si le message de l’oeuvre est anti-raciste par exemple, on utilisera des propos racistes (dans ce que les personnages disent) pour pouvoir mieux les condamner par la suite, de façon claire.

Pour les oeuvres publiées il y a longtemps par contre, c’est à mon sens différent.

En effet, ces oeuvres sont ancrées dans un certain contexte historique et géographique. On ne peut pas les lire, les apprécier, ou les étudier en faisant abstraction de cela. Et donc, plutôt que de réécrire ces oeuvres, il serait plus intéressant de les recontextualiser, placer un avertissement au début et des notes explicatives tout du long, pour expliquer pourquoi certains mots employés comme “n*gre” par exemple, ne sont plus acceptables aujourd’hui. Ou, un exemple moins évident, pourquoi on évitera le terme “métropole” dans le cadre des territoires d’Outre-Mer français, car c’est ancré dans une culture coloniale (cf la vidéo du JT et l’explication de Morgan Noam).

Mais si on efface purement et simplement ce qui est problématique aujourd’hui, on efface une partie de l’histoire. Cette histoire a encore des répercussions aujourd’hui dans notre société. Mais si on ne sait pas d’où ça vient, et comment ça se manifestait, on se complique la tâche lorsqu’il s’agit de détecter les vestiges actuels de cette histoire.

Un peu comme lorsqu’on dit : “je ne vois pas les couleurs”. Ok, mais le fait est qu’on est dans une société qui les voit, ne pas en parler ne vas pas effacer le problème. C’est juste mettre la poussière sous le tapis.

C’est important de décortiquer certains stéréotypes discriminants pour les oeuvres déjà publiées. Et pour les oeuvres à venir, ne pas répéter ces stéréotypes et en créer de nouveaux, plus positifs. Voir de ne pas en créer du tout, si possible.

La littérature véhicule des stéréotypes, elle participe à façonner le regard que l’on porte sur le monde. Quoi qu’on veuille et qu’on dise. La littérature transmet la vision de l’auteurice. Cette vision est unique, mais aussi communautaire : elle s’inscrit dans un imaginaire collectif.On a un problème lorsque cet imaginaire collectif discrimine une bonne partie de la population, et uniformise notre vision du monde. L’important est donc de s’accorder sur certains stéréotypes à améliorer, et apporter une grande diversité de stéréotypes et de visions.

C’est d’autant plus important pour la littérature jeunesse si l’on veut que nos enfants n’embarquent pas dans leur psyché des croyances limitantes et oppressives dès le berceau.

J’avais d’ailleurs posté une dissertation sur le Patreon : sur la figure de la princesse dans les contes de fée et l’image de la féminité idéale que l’on intériorise dès le plus jeune âge.

Qu’en penses-tu toi ?

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